Noëlle Renaude


Une belle journée | 2005

Mise en scène Robert Cantarella
Assistant à la mise en scène Julien Fišera
Scénographie Laurent P. Berger
Stagiaires à la mise en scène Renaud Diligent, Camille Louis
Lumières Laurent P. Berger, Victor Dos Santos

Avec Laure Mathis, Nicolas Maury, Aline Reviriaud, Grégoire Tachnakian

Robert Cantarella choisi de monter cette pièce de Noëlle Renaude en deuxième partie de la Pièce de Molière La Jalousie du Barbouillé. Ce travail d'abord présenté à Dijon fera l'objet d'une tournée en Région Bourgogne.

La Jalousie du Barbouillé (Molière) et Une Belle Journée (Noëlle renaude)

Janvier 2005

Faire ou ne pas faire une troupe de permanents. Pour poursuivre le travail initié par l’Unité de Production, nous décidons d’engager cinq acteurs, avec lesquels nous allons constituer un apprentissage commun de textes de théâtre, qui traceront un chemin de connaissance de l’art dramatique. Notre corpus est totalement subjectif, fait de sauts, de traverses et il répond à plusieurs contraintes. Les travaux doivent être réalisés avec peu de moyens techniques, nous choisirons des textes anciens et modernes, et la distribution devra employer les cinq acteurs. Je commence avec La Jalousie du Barbouillé de Molière et Une Belle Journée de Noëlle Renaude. Toujours mon obsession de faire des rapports (En avoir ou en faire ? Les deux, répond Godard.), en espérant que l’espace entre les sujets fabrique du désir, donc du savoir.

Le texte de la farce de Molière est sombre, terrible, tranchant comme toutes les formes burlesques abouties. Je suis stupéfait de la permanence de la mort à tous les niveaux du texte. Mort des sentiments, des intérêts, des désirs, et aussi mort feinte, contrefaite pour piéger. Le désir fini, la mort organise le reste du temps des vivants. Les autres dans la salle en rient.

Le texte de Noëlle Renaude est la face inverse. Patrice Chéreau a dit d’elle qu’elle était « le seul écrivain de comédie de notre temps ». C’est juste, dans la mesure où elle suit à la trace l’espace ouvert par Feydeau, tout en ne l’imitant en rien. Elle invente sa propre graphie théâtrale. Cette invention demande aux interprètes de chercher d’autres façons de faire. Il en est de même avec toutes les écritures sans histoire de la représentation. Comment savoir jouer ces pièces dont la plupart des relais ou des décideurs financiers disent que « ce n’est pas du théâtre » ? Pourtant, elle dit (comme Minyana, comme Lagarce avant sa mort, avant que l’on découvre l’urgence de mettre en scène son travail), qu’elle écrit pour le théâtre. Ils livrent un texte écrit pour que la scène lui rende une présentation pour un public. L’écrivain de livres non destinés au théâtre peut attendre, peut imaginer que la combustion lente de la lecture à venir transformera le temps entre la création et la réception en une durée variable, non formatée, fuyante. Le public est le lecteur, il décide d’ouvrir le livre seul et le refermera sans autre manifestation extérieure qu’un enregistrement secret et intime de ce qui est passé. L’écrivain de théâtre espère à la fois la lecture à voix intérieure et l’écoute en communauté du public à venir (Si nous appelions le public de théâtre un lecteur ? Il l’est, il lit la représentation.).

L’épreuve du passage à l’acte est une responsabilité complexe. Peu de créations et de productions institutionnelles travaillent l’écriture nouvelle, sans références ou antécédents. Metteurs en scène, directeurs de salles, producteurs et critiques sont embarrassés. Si les textes ne se reconnaissent pas immédiatement dans une prévision faite de connaissances relatives suivant la culture du lecteur, ils sont ignorés. L’enjeu sera d’inventer une autre grammaire de scène pour tous les participants du projet, y compris pour le lecteur, pour son plaisir. Cela effraie les circuits de la production (production des signes et des emplois) et laisse le critique sans voix ou sans comparaison.

Les deux textes choisis pour entamer le travail avec le groupe d’acteurs permanents, sont présentés ensemble et joués dans des conditions de tournées traditionnelles en région. Classe d’école, grange, petite salle des fêtes, grand appartement, gymnase, tout est bon pour se faire voir à ceux qui ne fréquentent pas le théâtre. C’est un travail simplement euphorisant, épuisant et interminable. La pièce de Noëlle Renaude intéresse beaucoup plus que le texte de Molière. Le repas qui suit les représentations est une agora régulière sur l’état du regard, du respect du regard, entre ce que l’on prévoit et ce que l’on voit.
Robert Cantarella

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