Thomas Bernhard


Les apparences sont trompeuses | 2001

Texte français Edith Darnaud
Mise en scène Robert Cantarella assisté d'Isabelle Angotti
Dramaturgie Marie-Pia Bureau
Décor et images Philippe Quesne
Assistant scénographie Cyrille Gomez-Mathieu

avec Jacques Boudet et Emilien Tessier
et les musiciens Alexandre Meyer et Frédéric Minière

Je décide de mettre en scène ce texte de Thomas Bernhard. C’est une façon de faire connaître cet auteur pour une première saison qu’il s’agit de composer : se tenir au projet et penser au fait qu’il faut construire des chemins, des passages, dans les œuvres dramatiques du siècle pour appréhender et prendre plaisir au texte écrit aujourd’hui. Je regrette de ne pas l’avoir fait pour Beckett et pour Koltès. Installer des relais (Barthes dit si bien le devoir d’établir des relais, pour faciliter la circulation des savoirs). On me reproche de ne pas choisir avec une détermination artistique fondamentale un texte. Tu ne tiens pas à ce texte… il n’est pas nécessaire pour toi… c’est celui-là ou un autre. Je me commande ma propre recherche. Le travail de commande est une occasion de faire des sauts hors de ses préoccupations, de ses aménagements, de ses constructions. Je peux aussi choisir un texte pour le découvrir, le mettre à la surface d’une conscience commune et publique. L’énergie du plaisir de la découverte est la dramaturgie (on ne passe bien à l’autre que ce que l’on vient de découvrir).

Mettre en scène : fabrique de passages.

J’ai choisi cette pièce de Thomas Bernhard car elle parle de deux frères qui ont réduit le monde à leur infini dialogue. L’issue dans une parole qui écrit le monde en même temps qu’il passe, une façon de freiner l’écoulement, ou plutôt d’en sentir la consistance : une main dans le courant. Ils disent tout du temps et ainsi le sentent passer comme jamais autrement. Donc, je parle de moi.

Et puis la fréquentation de ces acteurs est essentielle à ce moment-là. Emilien Tessier et Jacques Boudet. Ils sont acteurs de théâtre pour le premier et aussi régulièrement de cinéma pour le second. J’aime imaginer qu’ils le deviendront pour les spectateurs. Il est difficile de ne pas vouloir que notre amour pour les acteurs envahisse la salle à venir. Je l’espère toujours.

Emilien Tessier en transe sur le fauteuil choisi par Philippe Quesne, le scénographe, se contorsionne et trouve une chorégraphie parfaite entre le dire et le faire. Cet acteur est exceptionnel, au-delà de toute tentative de description ou de cerne. Le monde le traverse et il nous oblige à le savoir par ce que son être en a reçu comme trace.