Jane Bowles


Sa maison d'été | 1995

Mise en scène Robert Cantarella
Décor Antoine Dervaux
Costumes Laurence Forbin

Avec Romain Bonnin, Christophe Brault, Céline Cheenne, Sophie Delage, Hélène Foubert, Chantal Garrigues, Florence Giorgetti, Judith Henry, Patricia Jeanneau, Maïa Simon, Nathalie Vidal

Au sud de la Californie, une maison au bord de l’océan. Molly se cache dans le pavillon d’été du jardin, protégé par la vigne vierge ; Gertrud, sa mère, prétend aussi fuir le monde et le bruit de la société, mais ne résiste pas à l’invasion de la bande exubérante des « Mexicains » : Monsieur Solares, sa sœur, sa nièce et leurs domestiques, avec marmites géantes et guitares ; les langues, les rires et les chants se mélangent, les assiettes de spaghettis circulent et se renversent… survient une jeune pensionnaire, Vivian, exaltée et indépendante, que sa mère suit à distance respectueuse… Vivian se noie : meurtre ou accident ?
Trois veuves, trois filles : la pièce raconte les destins croisés de ces femmes écrasantes ou écrasées, dans un monde sans pères. Comment dire ses sentiments, comment sortir du jardin de l’enfance, et affronter le monde ?

Le spectacle suscite une séparation que je suis obligée de rendre simpliste. D’un côté ceux qui acceptent et ceux qui regrettent. Les deuxièmes paraissent mettre en doute la clarté des situations représentées, au profit d’un mystère, d’un « devoir-deviner » que la mise en scène aurait rabattu. Bien entendu ma défense s’entend déjà dans le compte rendu. Je ne suis pas certain de me satisfaire de ma propre explication, pourtant légitime ; il n’y a pas de volonté de cet ordre-là dans le texte, ni dans l’appareil dramaturgique entourant le texte de la pièce. Au contraire nous avons repéré une naïveté dans le dessin des contours au profit d’une tentative de définition la plus précise possible du sentiment qui passe chez J.Bowles. Elle tente un travail de sismographe en faisant dire ce qui pense à ce moment-là du présent de la scène. De plus les archétypes à peine voilés ou détournés laissent l’interprétation aller dans le sens du déplacement ludique et enfantin qui s’accommode mal d’un mystère de situation, d’un entrebâillement du sens pour l’observateur que devient le spectateur de théâtre.

Si je vais à découvert, j’engage mes choix et mes goûts. Je ne peux pas imaginer autrement le monde de ce texte, et plus largement, du théâtre, qu’en dehors des attributs du mystère, de la foi, du tremblé. L’acteur doit être le seul lieu d’incarnation et de représentation au plus loin dans la clairvoyance de ses jeux. De toute façon cette limite sera toujours le commencement d’un autre état dont le simple passage (ou perméabilité) assurera la part « non-su », « non-vu » au théâtre.

En fait : pas besoin d’en rajouter et paradoxe, la mise en place des éléments nécessaires à l’apparition de ces régions humaines, et simplement humaines, devient des contraintes qui peuvent brider l’émergence, ou plus insidieux, la qualité pour le public. Si pour moi ces conditions sont remplies, elles sont souvent enfouies sous d’autres volontés peut-être trop affinées, je parle des formes bien sûr.