Philippe Minyana


La maison des morts | 2006

Comédie Française / Théâtre du vieux colombier

Mise en scène Robert Cantarella
Dramaturgie Julien Fišera
Scénographie et lumières Laurent P. Berger
Costumes Cécile Feilchenfeldt
Création sonore Reno Isaac

Avec de la Comédie-Française Catherine Feran, Catherine Hiegel, Pierre Vial, Julie Sicard, Sharokh Moshkin Ghalam
et Nicolas Maury, Grégoire Tachnakian

Notes avant les répétitions :

Le prologue comme une bouffonnerie qui livre tous les motifs à venir : la loi, le meurtre, la famille, la pauvreté, le corps mécanique, les fantômes, la police, les doubles… L’envers du théâtre. Penser aux acteurs qui, avant de représenter la pièce officielle, la rejouent de façon burlesque, depuis sa face opposée. Ils conjurent le sort de la tragédie qui annonce sa puissance d’efficacité.

L’antichambre de la tragédie de notre temps : la maison et ses abords, les marges des espaces industriels.

Le prologue en sept mouvements, en sept blocs de situations donne le chiffre de l’écriture à venir. Le chiffre, donc tous les calculs qui constitueront la fabrique de théâtre à venir.

Lorsque le mannequin demande la reconstitution, c’est la morte même qui veut refaire l’acte. La pièce est la reconstitution d’un meurtre, ou d’une vie jusqu’à sa disparition.

Reconstituer, c’est faire du théâtre. Pour connaître l’identité des meurtriers, il faut faire du théâtre. Après le prologue, le théâtre peut commencer.

C’est l’histoire d’une chute, c’est un drame à stations. À chaque station se reconstitue la province des vies. Philippe Minyana décrit la province qu’il connaît parfaitement, comme le fond de sa mémoire, la vie loin de la capitale, en périphérie des questions fondamentales de la communauté. Là, se joue les aventures du presque rien, les copeaux de biographies. Pas assez de densité, de matérialité, seuls les artistes peuvent y trouver la raison de leurs tâches (« vies minuscules », disait Pierre Michon). Vues de biais, vies pour rien. Se souvenir de la précision des descriptions.

La chute : c’est-à-dire la lente descente vers la culpabilité. Le doux abandon au ne plus agir, au laisser faire.

La Femme à la natte ne peut plus jouer la comédie du travail. Elle essaye de se lever pour continuer à représenter son allure dans le flux des corps au travail. Elle n’y arrive pas. Le travail fait partie des hors champs de la pièce. La voix, la loi donne les formes agissantes du pouvoir et de sa mesure. La femme au milieu du cadre ne peut plus tenir debout. Elle retourne au lit.

On dit cela aux enfants : «Qu’est ce que tu fais là ? Retourne te coucher !». Elle retourne vers l’enfance qu’elle garde au lit. Elle ne joue plus le jeu de la loi, de la raison de la loi.

Se souvenir que la loi est toujours raisonnable dans sa formulation.

La reconstitution demandée au début est l’effort, la tension de toute la pièce. Il faudra reconstituer les mouvements du corps et de l’esprit qui ne sont pas cadrés officiellement. Reconstitution des précipités de l’âme et des conséquences sur le comportement.

La maison des morts, là où vivent les morts, là où ils ressemblent aux vivants qu’ils imitent au point de se prendre pour eux, de se confondre. Ils font leur vie de mort.

Traiter la farce en drame et le contraire. Prendre les images au pied de la lettre. Et surtout ajouter de la lettre, des écritures.

En même temps que l’action on voit le texte qui accompagne la situation. Comme dans les livres pour enfant qui refont la légende des images : Là où l’on apprendra que…

C’est l’entrée dans l’histoire. Faire deux fictions : le vu et le lu.

Nous réalisons un rêve de théâtre. J’ai rêvé cela : un théâtre qui se lise et se voit en même temps.

Philippe Minyana invente le roman d’une situation. C’est le montage qui donne à voir. Nous devons, pendant le travail, laisser filer la situation et refaire notre propre montage.

extrait final de la pièce from Robert Cantarella on Vimeo.

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