Philippe Minyana


Inventaires | 2012 - 2013

25 ans après la création devenue mythique de ce texte de Philippe Minyana, Robert Cantarella a choisi de le remonter avec les mêmes trois comédiennes, Florence Giorgetti, Judith Magre et Edith Scob.
Une façon de réactiver une oeuvre comme un plasticien.

2012
Mardi 9 octobre au Centre Dramatique National d'ORLÉANS / 20h30
Jeudi 18 octobre à la Scène Nationale de SAINT-BRIEUC / 20h30
Mardi 23, Mercredi 24 et jeudi 25 octobre au Théâtre d'ANGOULÊME / 20h30
Jeudi 15 novembre au Cadran (Scène nationale Evreux Louviers) à EVREUX / 20h30
Mardi 20, mercredi 21 novembre / 19h30, Jeudi 22 et vendredi 23 novembre / 20h30 à la Comédie de CLERMONT-FERRAND
Samedi 1er décembre au Grand T2R à CHARENTON LE PONT dans le cadre du festival Théâtrales / 20h30
Mardi 4, Mercredi 5, jeudi 6 décembre à la Comédie de SAINT-ETIENNE / 20h

2013
du 17 janvier au 22 juin au Théâtre de Poche-Montparnasse à PARIS / 19h sauf le lundi
Le 6 novembre à Cachan
Le 14 Novembre au théâtre Princesse Grâce à Monaco
Le 21 novembre à Saint Raphaël
Le 24 novembre à Bruges
Le 1er décembre à Noisy le Sec
Le 4 décembre à Lèves

En 1987 nous créons Inventaires.

Philippe Minyana était un jeune auteur fraîchement arrivé à Paris. Je le connaissais car nous nous nous étions rencontrés dans un atelier animé par un comédien de Vitez, Carlos Wittig. J’avais déjà joué dans les premières pièces de Philippe : Quatuor et Ariakos sous la direction de JG Nordman pour la première, et de Christian Schiaretti pour la seconde.

J’étais encore à l’école de Chaillot avec Antoine Vitez, et je jouais dans une série de télévision. Avec Philippe nous parlions de théâtre, de la machinerie inutile, de la discipline de jeu, de nos engagements envers une parole immédiate et savante. Nous nous reconnaissions par nos milieux d’origines populaires. Ce qui nous donnait envie de faire une vie de théâtre était de rendre compte sur la scène de la parole et des gestes de ce peuple de nos origines. Nous cherchions quoi faire de la fréquence d’un langage issu de nos familles qui ne soit ni compassionnelle, ni grandiloquente, ni misérabiliste. Un travail sur la représentation du piteux et de l’important. Une tâche publique pour rendre compte de l’histoire de personnes pour nous familières, avant qu’elle soit gelée en légende, en enquête sociologique ou en talk show.

Nous avons créé un spectacle qui propose un principe de jeu. Trois aveux, trois histoires à partir de trois objets. C’est-à-dire faire le relevé d’une vie à partir d’un instrument ordinaire et quotidien: une robe, un lampadaire et une cuvette. Philippe Minyana a taillé le texte pour le corps et la voix des trois comédiennes : Florence Giorgetti, Judith Magre et Edith Scob.

Je voulais que la lumière soit égale sur la scène et dans la salle. La prise de parole s’organisait comme un jeu, et les rythmes étaient scandés par un présentateur.

On a réalisé une performance sans savoir ou vouloir le nommer comme tel. Nous avons fait entendre une parole sous exposée sur les scènes officielles, de cette façon-là, c’est-à-dire avant tout, avec une joie et le plaisir infini de la livraison. A la fois maintenir une distance et créer une adhésion. Le mot performance n’était pas encore un genre, mais nos influences étaient bien du côté des arts plastiques. Philippe l’a dit très souvent, Boltanski nous intéressait au plus haut point avec les inventaires de vie.

Le texte a fait son chemin. La pièce est devenue un classique contemporain. Nous l’observons de loin, alors que notre duo continue à se poser des questions similaires en utilisant des grammaires différentes. Inventaires est le creuset, le chaudron. L’évidence avec laquelle le spectacle a été reçu par tous les publics nous a donné une énergie qui continue à nous alimenter. L’économie de décors, l’accès facile pour séduire puis capter l’attention et inventer d’autres modes de représentation à la suite.

Nous l’avons relu, nous souhaitons le faire à la scène en 2012.

La blessure concernant la représentation des gestes et paroles dites populaires est toujours aussi béante. Même si les rubriques, les gens ont fleurit dans les journaux, même si le micro trottoir est devenu un sport de toutes les informations, le passage à la scène, autrement dit l’art du théâtre s’occupe peu de ce peuple manquant. Ou plus précisément d’une parole donnée sans message, sans jugement.

J’ai souvent imaginé reprendre ce texte et demander à notre troupe d’origine de se retrouver pour ça. A chaque fois un nouveau texte de Philippe devenait l’urgence du moment, et l’énergie passait à travailler une pièce vierge de représentation. Notre urgence aujourd’hui est de faire entendre avec Inventaires, de nouveau des voix qui avouent leurs faiblesses et leurs grandeurs, à coup d’histoires ordinaires et cruciales. De celles qui font dévier les destins, bref de donner des formes d’espérances par la lucidité d’une bonne articulation de leur histoire.

Au moment où fleurissent les demandes d’aveux, d’exposition de son malheur ou bonheur pour le profit d’un voyeurisme total, la façon dont le texte d’Inventaires en fait l’archéologie est pour nous une œuvre de salubrité publique.

Nous serons tenu de nous remettre à l’ouvrage, et de se souvenir, tout en oubliant tout effet de reconstitution. Depuis vingt-cinq ans les jeux télévisés ont changé, les paroles de gens sont devenus une manne pour la compassion généralisée. On gagne de la confiance en faisant parler les pauvres, les petites gens, les décalés, et la lumière du visible se penche sur tous pour mieux noyer le poisson de la responsabilité. Les mots de la pièce de Minyana passe par le théâtre pour faire entendre la bonne diction d’une parole non noble, non lyrique, mais profondément exacte.

Peut-être est-ce le souci d’exactitude qui nous guide avant tout ?

J’ai demandé aux trois comédiennes de la création et à un musicien de se joindre à nous pour la création d’Inventaires en 2012.
Robert Cantarella

J’ai toujours considéré l’écriture comme un lieu de clarté.

Toujours chercher dans la forme, la réponse artistique aux commotions qui nous viennent du monde extérieur.

La porosité, la disponibilité face à ces champs d’exploration (les formes artistiques) m’ont fait transformer au cours des années les matériaux dont je dispose.

En 1987, il y a eu Inventaires : interviews, performance ; un jeu dans le jeu.

Et puis la construction de partitions brèves, des drames, a remplacé le monologue actif, exubérant.

Aujourd’hui me voilà aux contrées des fables, des contes. La construction, l’organisation de « ma toile » s’est infiniment transformée, précisée.

Reprendre inventaires permettra de mesurer presque 30 ans plus tard, le parcours d’une écriture ; de dénombrer trois « périodes » ; d’établir des liens entre elles.

Cette aventure artistique c’est toujours faite en connivence avec des acteurs, des metteurs en scène. Certains accompagnements ont été durables. Robert Cantarella m’accompagne toujours.

Qu’il ait envie de refaire entendre ce qui en premier lieu nous a uni, est un honneur, un enchantement, une bonne idée.

Pas de nostalgie, mais sans doute un geste vigoureux, roboratif, qui précisera que « la chose théâtrale » ne s’accomplit pas sans un groupe, une idée, un rêve, une utopie.

Dans l’espace du théâtre, on ne se répétera pas, on construira à nouveau.
Philippe Minyana, le 6 avril 2011

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Inventaires © Brigitte Enguerand